• Article 34. AFM, Groupe Auchan ... Par quels dirigeants préférez-vous être exploités ?

    En regardant l’importance accordée par la presse depuis quelques semaines aux changements de dirigeants dans le groupe Mulliez (AFM, Groupe Auchan, Kiabi …), une série de réflexions s’impose.

     

    1. De quoi s’agit-il lorsqu’est mise en avant la notion de gouvernance ?

     

    Tout simplement de faire croire que les dirigeants des entreprises obéissent à des codes de conduites les concernant dans leurs fonctions de direction, et il ne peut évidemment s’agir que de « bonnes » conduites. Il est donc inévitable de relier les caractéristiques personnelles (subjectives) des dirigeants aux éléments de ces codes. Or, dans la plupart des cas, il ne s’agit que de s’attarder sur le premier point (toujours plus de « people » : les dirigeants sont des « stars » comme les vedettes du cinéma, de la télé ou du sport) ; en occultant les relations avec les codes, et surtout la nature des codes en question.

     

    S’agissant de la nature des codes, nous renvoyons aux travaux d’universitaires spécialistes comme Alain FINET, dont nous venons de publier l’ouvrage (avec Anne Heldenbergh) sur « La chute de Fortis ». Alain FINET et Anne HELDENBERGH indiquent en pages 51 et sq. : « Théoriquement appelée à résoudre les problèmes entre les dirigeants et les actionnaires, … la gouvernance … va élargir ses analyses en prenant en considération l’ensemble des parties prenantes de l’entreprise (par parties prenantes, on entend l’ensemble des personnes qui sont en relation plus ou moins directe avec l’entreprise : les actionnaires, les dirigeants, les pouvoirs publics, les milieux écologiques, les fournisseurs, les clients, les membres du personnel). Cette vision (est) … européanisée ; … les premiers travaux sur cette problématique se concentraient sur les entreprises américaines pour lesquelles l’objectif de maximisation de la valeur boursière de l’entreprise était omniprésent et quasiment obsessionnel ». .. Et les auteurs d’ajouter : « Les principes (de la gouvernance d’entreprise) concernent :

    - la clarté et la structure de gouvernance de l’entreprise ;

    - l’efficacité et l’efficience du conseil d’administration ;

    - l’intégrité et l’engagement des administrateurs ;

    - le processus de nomination et d’évaluation des administrateurs ;

    - la constitution de comités spécialisés (par exemple, le comité des rémunérations des dirigeants) ;

    - la définition d’une structure claire au niveau du management ;

    - la rémunération des managers et des administrateurs ;

    - le respect des droits des actionnaires ;

    - la publication adéquate de la gouvernance d’entreprise ».

     

    Et les auteurs d’ajouter à propos de l’exemple de Colruyt (page 58), qui est un grand groupe de distribution familial belge, dont d’ailleurs un membre (Jozef) est administrateur chez Adeo : « Le conseil d’administration de Colruyt ne comprend que sept membres alors que la moyenne pour les entreprises est de treize ; il ne s’est réuni que quatre fois pour l’année 2005, alors que la moyenne est de neuf réunion par an. De plus, six administrateurs sur sept sont dépendants (du groupe), et cinq fond partie de l’exécutif de l’entreprise (à noter que l’entreprise reconnaît ne pas respecter les recommandations du code mais elle indique, dans son rapport annuel, que cela se fait en accord avec ses principaux actionnaires). De manière paradoxale, et alors que la gouvernance ne constitue pas une donnée centrale au sens où le code Lippens l’entend, Colruyt superforme (fait mieux) largement le marché …).

     

    On se croirait dans une société de l’AFM. Les actionnaires font ce qu’ils veulent ; les liens entre les administrateurs et l’exécutif des entreprises dépendent largement de contrats qui fixent les limites des personnes de l’exécutif (voir La richesse des Mulliez – pages 281 et sq) au regard de la famille ; inutile d’insister sur les règles des rémunérations, totalement occultes et non publiées ; quant aux publications, essayez donc de trouver une donnée concrète relative à la gouvernance dans les rapports des sociétés de l’AFM. Et bien évidemment, les sociétés de l’AFM surperforment (voir l’article 33 les sociétés équivalentes). En d’autres termes, tous les articles consacrés à la gouvernance de l’AFM [voir par exemple l’article d’Antoine BOUDET dans « Les Echos » du 3 juin sur « Les nouvelles générations montent au sein de l’Association familiale Mulliez » (page 24), qui indique, « selon nos informations », la nouvelle composition du conseil de gérance de l’AFM, à savoir Thierry Mulliez, Jérôme Mulliez, Pierre-Alain Vielvoye, Bertrand Leclercq, Edgard Bonte, Anne-Sophie Fauvet-Mulliez et Romain Mulliez, ou le communiqué de presse de Groupe Auchan du 20 mai 2010 qui insiste sur le « Comité exécutif » présidé par … Vianney Mulliez, en indiquant au détour d’une phrase qu’Arnaud Mulliez (fils de Gérard) reste bien membre des organes dirigeants du groupe] sont « pipeaux » !

    D’ailleurs, sur la nouvelle composition de l’AFM, il suffisait au journaliste de regarder à quelle génération appartiennent les « nouveaux » (sic) membres du conseil de gérance : ils sont tous de la 4ème génération à partir de Louis Mulliez-Lestienne [les écarts d’âge s’expliquent simplement par le fait que le Romain Mulliez (petit fils de Francis Mulliez, né en 1922) ne peut pas être aussi âgé que Thierry Mulliez ou Anne-Sophie Fauvet-Mulliez (petits enfants de Louis Mulliez-Cavrois, né en 1901) ou André-Paul Leclercq (petit fils d’Ernest Leclercq, et fils d’André Leclercq, né en 1936, époux de Bernadette Mulliez), ou Jérôme Mulliez (petit fils d’Ignace Mulliez, né en 1910), ou Edgard Bonte (petit fils par alliance de Gérard-Mulliez-Cavrois, né en 1906), ou enfin Pierre-Alain Vielvoye (petit fils par alliance de Jacques Mulliez né en 1908)] ; et ils sont surtout répartis dans 5 composantes familiales qui regroupent les principaux intérêts de la famille (Auchan et Agapes, Adéo, Décathlon, Mobivia (ex-Norauto ; changement officiel de dénomination le 4 juin 2010), Tapis Saint-Maclou … ; y compris des intérêts non AFM, comme Picwic ou Surcouf, Cultura, Kiloutou …). La gouvernance concerne ici les intérêts de la famille Mulliez élargie, et rien d’autre.

     

    2. La gouvernance définit-elle les compétences ?

     

    La gouvernance, c’est comme une promesse ; elle n’engage que ceux qui y croient, et non ceux qui la pratiquent. Les règles de gouvernance n’ont d’autant moins force de lois qu’il ne s’agit que de « bonnes pratiques » souhaitées, alors que nombre de lois ne sont pas appliquées dans le domaine financier lorsqu’il s’agit des « puissants ». A-t-on déjà vu des Procureurs de la République s’inquiéter de l’absence de publications des comptes de la famille Mulliez (et d’autres grands groupes, comme Arnault, Lagardère, Pinault …), alors que ces publications sont obligatoires ?

     

    Surtout, dans les sociétés familiales, l’application des « règles de gouvernance » ne dépend que du bon vouloir des intéressés … (très intéressés) familiaux. Ce ne sont donc pas les compétences qui sont en cause ; à égalité de compétences, c’est d’entrer dans le « moule familial » des règles qui importe. Et ce « moule » n’a rien à voir avec la gouvernance. Ensuite, pour les cadres concernés, il ne s’agit entre eux que d’une « course à l’échalote ». Avec « stock-options » à la clé (voir nos articles précédents).

     

    3. Les critères de compétences concernent avant tout la rentabilité, donc la capacité des dirigeants en question à exploiter au maximum leurs salariés.

     

    Il est donc facile de comprendre que l’encadrement supérieur des firmes Mulliez, conditionné et intéressé, n’a que faire de la « gouvernance ». Les critères sont financiers, de plus en plus financiers. Le capitaliste familial, comme les autres capitalistes, doit exploiter pour exister et ne pas disparaître dans le grand mouvement de la concurrence/compétitivité mondiale.

    Pour les salariés, il importe peu de savoir qui les exploite. Mieux vaut regarder comment se faire moins exploiter. Et mettre en œuvre les moyens pour y parvenir.

     

    Les discours sur la gouvernance participent donc de l’idéologie libérale. Et je laisse aux « ânes » le soin de savoir qui sera le directeur de tel ou tel hyper, de telle ou telle société, de telle ou telle entité de l’AFM. Ils continueront à manger du foin, au lieu de chercher à améliorer leur maigre pitance.

     

    Conclusion pour les salariés :

    - vous demande t-on votre avis pour nommer les dirigeants ?

    - avez-vous des doutes sur le fait que le « marché du travail des dirigeants » propose un vaste panel de dirigeants répondant aux « normes de gestion » de l’AFM ?

    - avez-vous des doutes sur le fait que la carrière de ces personnes est largement dépendante de leurs performances, c'est-à-dire de leur capacité à exploiter les salariés à tous les niveaux de la hiérarchie ?

    - avez-vous des doutes sur le fait que la mise en concurrence de ces dirigeants (et les bisbilles et/ou cirage de pompes et/ou crocs en jambe de toutes natures entre eux – la vie dans ces hautes sphères n’est pas un long fleuve tranquille) par les actionnaires est une pratique habituelle ?

    Alors, si vous répondez « non » à ces quatre questions, vous avez compris que les éléments de gouvernance, la valse des dirigeants etc… n’ont aucune importance pour votre vie au travail de tous les jours. Que ce soit « x » ou « y », vous aurez devant vous quelqu’un qui a pour fonction de vous exploiter le plus possible, pour le plus grand bonheur des actionnaires de l’AFM.

     

    Benoit Boussemart

     

     


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  • Commentaires

    1
    Lundi 6 Septembre 2010 à 05:26
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