• Article 86. Auchan France condamné pour licenciement sans motif économique

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    Bonjour

    Vous pouvez lire ci-dessus (voir le lien) le jugement du Tribunal Administratif de Marseille (voir les commentaires de l'articile 84) qui vient de condamner Auchan France sur un point fondamental : ce qu'est un licenciement pour motif économique.

    En page 4, le jugement rappelle qu'aux termes de l'article L.1233-3 du code du travail : "constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. (...) ; qu'est au nombre des causes sérieuses de licenciement économique la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise".

    Qu'en outre, lorsqu'il s'agit (pages 4 et 5) du "licenciement des salariés légalement investis des fonction de délégué du personnel (...) dans le cas où la demande de licenciement est fondé sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière ; que pour apprécier la réalité des motifs économiques allégués à l'appui d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé présentée par une société qui fait partie d'un groupe, l'autorité administrative ne peut se borner à prendre en considération la seule situation de l'entreprise demanderesse, mais est tenue, dans le cas où la société intéressée relève d'un groupe, de faire porter son examen sur la situation de l'ensemble des sociétés du groupe intervenant dans le même secteur d'activité que la société en cause, sans qu'il y ait lieu de borner cet examen aux établissements de ce groupe situés en France" ...

    Surtout (page 5), "si la réorganisation de l'entreprise constitue un motif économique de licenciement dans la mesure où elle est effectuée pour en sauvegarder la compétitivité, il appartient à l'employeur de justifier de cette nécessité au niveau de l'entreprise ou au niveau du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient" ;

    Et sur ces points, Auchan France a "tout faux" (en page 5) :

    "la société Auchan France fait valoir que la sauvegarde de la compétitivité du secteur "vente d'équipements" a nécessité une évolution du métier de vendeur se traduisant par un effort de formation et un aménagement du dispositif de leur rémunération afin de tirer les conséquences de la modification de l'offre des produits et de l'évolution des besoins du client ; que, toutefois, le secteur "biens d'équipements" auquel fait référence la société précitée ne constitue qu'un secteur de vente particulier au sein de la même activité de vente en grande surface et ne saurait être regardé comme un secteur d'activité au sens des dispositions précitées" ; en d'autres termes, Auchan France ne peut isoler un sous-secteur comme ça lui chante dans un hypermarché afin de "prouver" que le sous-secteur est déficitaire : il est connu de longue date que la vente en grande surface, ce sont des îlots de pertes dans des océans de bénéfices !!! Et le jugement enfonce le clou : "qu'il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande d'autorisation de licenciement, la société Auchan France s'est bornée à faire état du tassement de l'activité pour les biens d'équipements et n'a apporté aucune information quant à la situation économique de l'ensemble des sociétés du groupe intervenant dans le même secteur d'activité de vente en grande surface". Et pour cause : si vous suivez régulièrement ce blog, vous savez que le secteur de vente en grande surface, à savoir les entreprises coiffées par Auchanhyper, est le plus rentable de groupe Auchan ; et qu'en outre Auchan France a été (et est toujours) la "vache à lait" (voir les bénéfices remontés chaque année vers les divers holdings) ayant permis l'extension du groupe à d'autre pays, et la diversification vers d'autres activités (super, drive, banque, immobilier commercial). Et le jugement de poursuivre : "qu'en outre, en invoquant les circonstances propres à un secteur de vente, la société Auchan France n'a pas justifié de l'existence d'une menace pesant sur la compétitivité de l'ensemble du secteur d'activité ; que de plus, à supposer même que la réorganisation envisagée aurait été nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité du secteur d'activité, l'employeur devait justifier que la mise en place des nouvelles conditions de rémunérations résultant d'une réorganisation, plus motivantes pour les vendeurs, était nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, en l'absence notamment d'études ou d'analyses approfondies sur ce point, que le nouveau système de rémunération mis en place par la société Auchan France était nécessaire au maintien de la compétitivité du secteur "biens d'équipements" alors qu'il ressort des mêmes pièces que l'employeur avait surtout pour objectif de mettre en place un système unique de rémunération pour l'ensemble des vendeurs du secteur "biens d'équipements" se substituant à deux modes de rémunération différents ... qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le mode de rémunération au pourcentage (guelde) ... n'était pas compatible avec le nouveau mode d'organisation du secteur d'activité et constituait un obstacle à la sauvegarde de la compétitivité invoquée par la société Auchan France" ...

    Et de conclure : "qu'ainsi, ... la société Auchan France ne justifie ni de la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ni, en tout état de cause, de l'existence d'un lien de causalité entre la situation économique alléguée et la nécessité de modifier le mode de rémunération des vendeurs ; que dès lors, en estimant que le licenciement envisagé était fondé sur un motif d'ordre économique, l'inspectrice du travail puis le ministre du travail, ont entaché leurs décisions d'une erreur d'appréciation".

    Ce jugement démontre :

    - que la lutte paie toujours, y compris contre un ministre du travail ; la loi s'applique, pour Auchan et pour le ministre !

    - que la notion de licenciement pour motif économique est très précise, et qu'il est impossible de l'invoquer pour justifier de la gestion au jour le jour d'un groupe ;

    - que la notion de groupe est fondamentale, pour empêcher l'arbitraire de motifs prétendus économiques pour tel ou tel sous-secteur, secteur, et même entreprise ;

    - que la notion de groupe Mulliez est donc vitale pour élargir la responsabilité de la famille Mulliez à l'égard de l'ensemble des salariés du groupe ... Mulliez. Ce jugement permet de comprendre pourquoi la famille Mulliez a toujours combattu ne serait-ce que l'esquisse d'une reconnaissance d'un groupe Mulliez.

    B. Boussemart

     


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