• Article 329 - Comment un virus met à mal l'impérialisme

    Bonjour

    Depuis le début de la semaine, les paroles d'experts (économistes, commentateurs politiques ...) se suivent et se ressemblent. Mais aucune analyse sérieuse de ce qui se passe dans l'économie mondiale.

    Il faut dire qu'en début d'année 2020, tous ces braves gens louaient encore le paradigme néo-libéral, et pressaient Macron d'en terminer (notamment sur la réforme des retraites) avec l'ancien monde fait de luttes des classes dépassées, de solidarités surannées ... L'impérialisme dominait le monde et la finance était au pouvoir : 2019 s'achevait avec un niveau de dividendes jamais atteint : selon Janus Henderson, les dividendes des 1 200 plus grands groupes ont atteint 1 265 milliards de US $ en 2019, contre 1 222 Mds $ en 2018, 1 113 Mds $ en 2017 et 1 032 Mds en 2016. Pour mémoire, les capitalisations boursières (selon nos calculs) étaient pour ces mêmes années (base 1 000 groupes, comparables pour l'essentiel) de 54 902 Mds $, 42 735 Mds $, 47 819 Mds $ et 37 781 Mds $. Ce qui donne un taux de "rentabilité" par rapport aux valeurs boursières de 2,30%, 2,86%, 2,33% et 2,73%. Rappelons que pour l'année 2016, nous avions (voir notre ouvrage sur l'Impérialisme du XXIème siècle) pour les 868 plus grands groupes mondiaux 34 900 Mds $ de capitalisation boursière, 18 688 Mds $ de fonds propres et des résultats nets de 2 028 Mds $. Les données de dividendes ci-dessus permettent d'estimer à environ 50% (1 032 / 2028) le montant des bénéfices nets distribués aux actionnaires. C'est le ruissellement vers le haut.

    Depuis début février, ces mêmes "experts" vouent aux gémonies la Chine, suite à l'impact d'un "petit virus" sur l'économie mondiale. Mais au fait, comment se fait-il qu'un si petit virus entraîne une telle débacle, notamment des bourses mondiales ? Est-ce le virus, est-ce la Chine, ou aucun de ces deux coupables désignés ? Ne serait-ce pas plutôt la mondialisation néo-libérale, qui s'est accélérée depuis 2000, date de l'entrée de la Chine dans l'OMC, entrée voulue par tous ses "partenaires", les firmes multinationales de toutes origines voulant exploiter pour leur plus grand profit sa main d'oeuvre à bon marché ? Chine dont les firmes se sont progressivement renforcées, pour devenir à leur tour des concurrentes/partenaires dans le cadre de la mondialisation.

    Nous donnons ci-dessous le détail de la débacle boursière, et quelques commentaires.

    Télécharger « CriseBoursière 2020.pdf »

    Pour autant, la cause véritable de la situation actuelle est fondamentalement la structuration impérialiste des groupes mondiaux, qui impose aux économies de la planète une exploitation différenciée des mains d'oeuvre locales ; compte tenu des résistances plus ou moins fortes des dites économies face aux intérêts financiers des multinationales. Et les Etats n'ont guère de poids dans un tel cadre, sauf à renforcer le cadre de l'exploitation pour l'adapter aux "contraintes" néo-libérales.

    Nous renvoyons sur ce point à notre ouvrage sur "l'impérialisme du XXIème siècle".

    Par ailleurs, comment croire un seul instant (sauf à être d'une ignorance crasse en économie et en finance) que la quarantaine (ou plus) de la Chine (suivie éventuellement par d'autres pays ou d'autres zones) n'aura aucun impact sur l'économie mondiale, alors que la Chine à elle seule représente (les données ci-après concernent l'année 2016 - voir notre ouvrage cité pour l'historique 2006/2016 - et les données que nous actualisons en ce moment pour les années 2017, 2018 et 2019 ne modifient pas les tendances) :

    - en termes de PIB courant, la troisième économie mondiale avec 14,82% du PIB mondial, derrière les USA (24,58%) et l'Union Européenne (15,73%) ; et la première économie mondiale en termes de PPP (Parité de Pouvoir d'Achat) avec 17,76% de l'économie mondiale, devant l'Union Européenne (16,56%) et les USA (15,4%) ;

    - la première puissance exportatrice de marchandise : 18,2% des exportations, devant l'Union Européenne (extra-UE, 15,44%), et les USA (11,63%) ; et la deuxième puissance exportatrice de marchandises et de services : 16,87% des exportations, derrière l'Union Européenne (extra-UE : 17,59%) mais devant les USA (13,51%) ; la troisième puissance importatrice de marchandises (14,2% des importations mondiales), derrière l'Union Européenne (extra-UE : 14,76%) et les USA (17,61%) et la troisième puissance importatrice de marchandises et de services (15,17% des importations mondiales), derrière les USA (16,62%) et l'Union Européenne (extra-UE : 16,18%). Par suite, la Chine dégage des excédents commerciaux en marchandises (463 Mds US $), bien davantage que l'Union Européenne (extra-UE : 43 Mds US $) et surtout ralativement au déficit des USA (- 796 Mds US $) ; les excédents commerciaux de marchandises de la Chine couvrent  largement le déficit des échanges de services en Chine (- 225 Mds US $), l'UE (Extra-UE) ayant un excédent de 145 Mds US $, tout comme les USA : 251 Mds US $. En cumul 2000 à 2016, la Chine a dégagé en marchandises et services un excédent de 2 710 Mds US $, alors que l'Union Européenne (extra-UE) ont un léger excédent de 139 Mds US $, et les USA un énorme déficit de - 6 892 Mds US $.

    - 33,8% de la production automobile mondiale ; la Chine (outre ses propres marques) travaille pour BMW, Fiat, Daimler, PSA et Volkswagen ; pour Ford et General Motors ; pour Honda, Mazda, Nissan, Suzuki et Toyota ; et pour hyundaï-Kia et Tata.

    - en e-commerce, place en 2ème et 3ème position mondiale les groupes JD Com et Alibaba ;

    - 49,61% de la production mondiale d'acier ; et en 2015, 55% de la production mondiale d'aluminium, 35% du cuivre raffiné, 37% de l'étain, 30% du nickel, 38% du plomb raffiné, 37% du zinc, 78% de l'antimoine, 89% du bismuth, 53% du gallium, 33% du cadmium, 44% du cobalt métal, 73% du germanium, 49% de l'indium, 88% du magnésium, 68% du mercure, 38% du molybdène, 85% des oxides  de terres rares, 83% du tungstène et 53% du vanadium ;

    - 1/3 du papier carton ;

    - 6,8% du nombre d'individus fortunés dans le monde ;

    - 8,95% de la capitalisation boursière des firmes mondiales ayant investi dans les diverses énergies ; mais 22,5% du chiffre d'affaires de ces mêmes groupes ;

    - 1 498 Mds d'US $ de capitalisation boursière des firmes présentes dans le secteur financier (contre 2 786 Mds pour les USA, et 584 Mds pour la Zone €) pour un total de 7 360 Mds d'US $ (pour les 139 plus grands groupes du secteur).

    De plus, la Chine est un débouché significatif pour de nombreuses activités ; un très bon exemple : l'industrie du luxe. Et les touristes chinois sont également un élément important du tourisme, notamment en France.

    Par suite, aussi bien comme fournisseur que comme client la Chine est un élément décisif de la mondialisation. Et là encore, nos politiques et économistes "avisés" parlent d'une solution miracle : la relocalisation des activités. Avec une Chine qui resterait inactive si un tel objectif se précisait ?

    Une telle relocalisation laisse pantois :

    - à quel horizon ? dans quels domaines ?

    - qui va décider ? Les Etats : ils n'ont plus le pouvoir (même Trump, qui dispose d'atouts plus importants que l'Union Européenne, empêtrée dans son libéralisme à tout va, ne fait que bouger marginalement les lignes des multinationales américaines) ! Les firmes ? Qu'ont-elles à y gagner, sur un plan purement capitaliste ?

    Il ne reste qu'à prier, pour que la pandémie ne soit pas trop longue et pas trop forte. Car les groupes cotés ne peuvent plus anticiper des hausses de profit, afin de faire grimper les cours. Ces derniers sont déjà déconnectés de la réalité (voir notre ouvrage). L'autre solution - une intervention des banques centrales - va à nouveau mettre à mal le dogme néo-libéral (tiens, les "marchés" ne peuvent pas s'adapter - mais si, à la baisse !) ; quant aux possibles interventions des Etats (mais avec quels moyens ?) en faveur des firmes, la ficelle consistant à faire payer les peuples devient un peu trop grosse ; surtout dans un contexte d'inégalités croissantes de revenus. Qui plus est, certains secteurs (voir notre pièce attachée), comme les banques, le pétrole ... sont déjà laminés par la crise (ils enregistrent une baisse très sensible de leurs cours boursiers).

    En définitive, aucune bonne solution : que des emplâtres. La crise va donc s'accentuer.

    B. Boussemart

     


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