• Voeux pour 2012 : une petite citation.

    "Au fond, le monde actuel est exactement celui que, par une géniale anticipation, une sorte de science-fiction vraie, Marx annonçait en tant que déploiement intégral des virtualités irrationnelles, et à vrai dire monstrueuses, du capitalisme.

    Le capitalisme confie le destin des peuples aux appétits financiers d'une minuscule oligarchie. En un sens, c'est un régime de bandits. Comment peut-on accepter que la loi du monde soit constituée par les intérêts impitoyables d'une camarilla d'héritiers et de parvenus ? Ne peut-on raisonnablement appeler "bandits" des gens dont la seule norme est le profit? Et qui sont prêts, au service de cette norme, à piétiner des millions de gens s'il le faut? Qu'en effet le destin de millions de gens dépende des calculs de tels bandits est maintenant si affiché, si voyant, que l'acceptation de cette réalité, comme disent les plumitifs des bandits, est chaque jour plus surprenante. Le spectacle d'Etats piteusement déconfits parce qu'une petite troupe anonyme d'évaluateurs autoproclamés leur a mis une mauvaise note, comme le ferait à des cancres un prof d'économie, est à la fois burlesque et fort inquiétant. Alors, chers électeurs, vous avez mis au pouvoir des gens qui tremblent la nuit, comme des collégiens, d'apprendre au petit jour que les représentants du "marché", c'est à dire des spéculateurs et parasites du monde de la propriété et du patrimoine, leur ont collé la note AAB, au lieu de AAA? N'est-elle pas barbare, cette emprise consensuelle sur nos maîtres officiels de maîtres officieux, dont l'unique préoccupation est de savoir quels sont et quels seront leurs bénéfices à la loterie où ils jouent leurs millions? Sans compter que leur angoissant beulement - "ah! ah! bé!" - se paiera d'une obéissance aux ordres de la maffia, qui sont invariablement du genre : "Privatisez tout. Supprimez l'aide aux faibles, aux solitaires, aux malades, aux chômeurs. Supprimez tout aide à qui que ce soit, sauf aux banques. Ne soignez plus les pauvres, laissez mourir les vieux. Baissez les salaires des pauvres, mais baissez les impôts des riches. Que tout le monde travaille jusqu'à 90 ans. N'apprenez les mathématiques qu'aux traders, la lecture qu'aux grands propriétaires, l'histoire qu'aux idéologues de service.". Et l'exécution de ces ordres ruinera de fait la vie des millions de gens.

    Mais là encore, la prévision de Marx est validée, surpassée même, par notre réel. Il avait qualifié les gouvernements des années 1840-1850 de "fondés de pouvoir du Capital". Ce qui donne la clef du mystère : en définitive, gouvernants et bandits de la finance sont du même monde. La formule "fondés de pouvoir du Capital" n'est entièrement exacte qu'aujourd'hui, et d'autant plus qu'aucune différence n'existe entre les gouvernements de droite, Sarkozy ou Merkel, et ceux de "gauche", Obama, Zapatero ou Papandreou."

    BADIOU Alain. Le réveil de l'histoire. Lignes. 2011 : pages 23 et sq.


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