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Article 39. Comment Mulliez et Arnault, les deux premières fortunes de France, vont payer encore moins d'impôts en utilisant les paradis fiscaux
Une publication du groupe belge Rossel, qui appartient à son pôle Mediafin, à savoir « L’Echo » (il s’agit de « L’Echo » belge, qui n’a rien à voir avec le groupe « Les Echos » qui appartient au groupe Arnault) a publié les 26 et 27 juillet 2010 une série d’articles particulièrement intéressants, consacrés aux investissements massifs de groupes français dans les intérêts notionnels.
Curieusement, ces articles n’ont pas été repris par la presse française. Y compris « La Voix du Nord », qui appartient à ce même groupe Rossel.
Le principe des « intérêts notionnels ». Il s’agit d’une déduction fiscale, votée en Belgique en 2005, et appliquée depuis 2006. Les intérêts notionnels sont des intérêts fictifs, calculés sur les fonds propres (capital, primes d’émission, réserves et bénéfices reportés), en leur appliquant un taux défini par le taux moyen des obligations à 10 ans émises par l’Etat belge. Ce taux ne peut excéder 6,5%, et ne peut s’écarter de plus de 1% du taux de l’année précédente. Ainsi, le groupe peut donc déduire de son bénéfice fiscal non seulement les intérêts des emprunts, mais aussi ces intérêts fictifs. Double avantage : évident, pour la déduction fiscale immédiate. A plus long terme, le groupe financier qui en bénéficie voit grimper sa valeur financière et fait des plus-values, qui ne sont pas taxées en Belgique. Il ne faut pas aller chercher bien loin les paradis fiscaux. Le taux des « intérêts notionnels » est de 4,307% pour 2009 (sur l’exercice 2008) et de 4,473% pour 2010 (sur l’exercice 2009).
Or nos deux premières fortunes professionnelles françaises viennent d’investir massivement en fonds propres dans trois sociétés.
Pour le groupe Mulliez, Groupe Auchan, via sa filiale belge « Auchan Coordination Services », vient de pratiquer une augmentation de capital de 1,82 milliards d’euros (sur une augmentation totale projetée de 2,6 milliards d’euros). Le capital de cette filiale passera de 0,875 milliards d’euros à 3,475 milliards lorsque la totalité de l’augmentation de capital sera achevée. Les « intérêts notionnels » déductibles seront donc au minimum de 121 millions d’euros en 2010 (si le solde de l’augmentation de capital est retardée) et au maximum (pour un capital de 3,475 milliards) de 155 millions d’euros. Cette filiale avait déjà déduit 40 M€ d’intérêts notionnels en 2009.
Pour le groupe Arnault, LVMH vient d’augmenter le capital de sa filiale « LVMH Finance Belgique » de 629,1 M€, qui passe ainsi de 870,9 millions d’euros à 1,5 milliards d’euros. Les intérêts notionnels de cette filiale sur l’exercice 2009 étaient déjà de 11,688 M€ (le capital n’a été augmenté que fin juillet 2009). Ils devraient atteindre 67 millions d’euros en 2010. De son côté, la nouvelle « conquête » du Groupe Arnault, à savoir Carrefour, bénéficiait via sa filiale belge « Centre de Coordination Carrefour SNC » en 2008 de 129,4 M€ de déduction, sous l’ancien régime des « Centre de Coordination ». Les comptes 2009 n’ont pas été publiés.
Le constat est simple. Pourquoi les « grandes fortunes » sont elles aussi riches ? Parce que notamment elles utilisent tous les différentiels fiscaux entre pays afin de payer le moins possible d’impôts. Pour cela, elles n’hésitent pas à passer les frontières ; alors qu’elles se gargarisent souvent d’un patriotisme de bon aloi. En fait, leur seul patriotisme, c’est celui de leur portefeuille.
Rien que sur ces trois exemples, ce sont plus de 350 millions d’euros qui s’envolent en bases fiscales. Et notre Président et son gouvernement qui font mine d’ignorer d’où viennent les déficits publics ! Elémentaire, mon cher Watson. Les riches ne paient pas leur écot à la République ; les pauvres paieront, et travailleront plus, pour gagner moins.
B. Boussemart
Tags : groupe, d’euros, 2009, capital, interets
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Commentaires
2B. BoussemartMardi 3 Août 2010 à 07:34Nous sommes tout à fait d'accord. J'ai bien indiqué que les groupes utilisent les différentiels entre pays. Mais qui a piétiné le vote des français sur le référendum en Europe ? Et qui gouverne l'Europe, avec de telles règles possibles ?
B. Boussemart
3dekyndtVendredi 20 Août 2010 à 14:52Tout à fait mon cher Watson, comme a dit Gérard "L'homme passe avant le fric!!!" , comme c'est lui "L'homme" alors il nous prend tous.... Trop fort, Bravo la famille
4Damien1234Vendredi 10 Septembre 2010 à 20:28Le calcul de 155M pour le groupe Auchan est incorrecte. Une loi du 23/12/2009, publiée le 31/12/2009 rapporte le taux des intérêts notionnels à 3,8%. Et non de 4,473 (qui était le taux pour les revenus de l'année 2009...)
PS : définir la Belgique comme un paradis fiscal est légèrement une "utopie" ... ? Non ?
5B.BoussemartJeudi 7 Octobre 2010 à 23:47Les informations (taux de 4,473 % pour les revenus 2009 déclarés en 2010) ont été publiées par le moniteur belge du 14 janvier 2009 (page 1593). Le paradis est bien fiscal. Y a t-il paiement d'un impôt sur la fortune ? Y a t-il imposition des plus-values sur les titres (sauf à considérer que les déclarants sont "nuls" et qu'ils veulent vraiment payer des impôts - ce qui n'est pas la tasse de thé de la famille Mulliez) ? Y a t-il imposition lourde des successions ? Vous savez, ce "truc" qui pour les libéraux fait que tout le monde repart à zéro et ne bénéficie d'aucun avantage lié à sa naissance (idéologie du "mérite").
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Mr Boussemart,
J'essaiede suivre le raisonnement: si en apportant de l'argent en Belgique, la Belgique octroie une 'déduction' d'intérêts, cela ne coûte rien à la Belgique, et cela augmente les apports nets faits vers ce pays, correct ?
Cela n'est donc pas 'à cause de Mr. Sarkozy', mais ben 'à cause de Mr. Reynders (ministre des Finances belge), est-ce exact ?
Merci.